QDF #5 – Maman j’ai raté ma levée !

« – Fous l’camp !

– D’accord Johnny, mais comment on fait pour mon pognon ?

– Quel pognon ? »

Maman j’ai raté l’avion.

C’est terminé, vous jetez l’éponge. Après avoir reçu la 300e réponse négative d’un investisseur potentiel pour votre startup, vous oscillez entre une remise en question de l’intérêt de votre entreprise et une profonde déception envers les humains et leur incapacité à comprendre la façon dont vous envisagez de changer le monde.

Soyez rassurés, chaque année, une grande majorité des startups ne clôturent pas leur levée de fonds. Quand certaines n’arrivent pas à atteindre l’entièreté du tour, d’autres ne dépassent pas un euro. En fonction des ressources restantes dans la société, les décisions que vous allez prendre vont être cruciales pour la survie de votre entreprise ou la continuité du plan de développement. L’analyse des raisons de cet échec – temporaire – va également être essentielle pour préparer la suite.

Maman j’ai raté ma levée ! Pour ce QDF#5, nous avons cherché à analyser les différentes expériences de nos prospects, clients et proches.

Comprendre les raisons des refus

Il y aura toujours une bonne raison de ne pas vous donner le moindre euro. Le problème, c’est lorsque cette bonne raison devient une mélodie commune parmi tous les investisseurs potentiels. Certaines sont farfelues mais beaucoup sont raisonnées et argumentées. Votre rôle en tant que dirigeant(e) d’entreprise, c’est d’encaisser les critiques, les comprendre et rectifier le tir. Rapidement.

Selon nous, voici le « carré magique » des feedbacks investisseurs récurrents (au moins aux premières levées)

Et le « produit » alors ? C’est la base de tout business, loin de nous l’idée de le négliger. En revanche, un produit reste perfectible et s’améliore avec le temps. Le meilleur produit ne garantit pas le plus grand succès.

L’important est de se fixer un horizon de temps pour réunir toutes les conditions du « carré magique » (généralement aligné avec l’horizon de votre mur de cash moins un temps de raison). Un échec ne l’est que lorsqu’il l’est constaté. L’idée c’est de le constater, avant de le subir !

Agir en fonction des ressources de votre entreprise

Enfin, juste avant que vous n’en ayez plus ! N’oubliez jamais que c’est le manque de liquidités qui tue les projets. Cash is king.

Toutes les sociétés en croissance sont malades du manque d’argent. En cas d’échec de levée, il faut agir comme pour un patient malade d’avoir trop vécu mais pas incurable. Docteur Further a pensé à un protocole de soins pour les crises.

1. Stopper l’hémorragie !
Toutes les dépenses non prioritaires sont reportées, c’est-à-dire toutes les dépenses qui n’ont aucun lien avec la maintenance de votre produit/service actuel, le bon processus de vente du produit/service et le suivi rigoureux de votre trésorerie. Chaque euro économisé est un euro gagné donc il n’y a pas de seuil minimum de remise en question de ses dépenses. Réduction de charges immédiates.

D’un point de vue juridique, vous pouvez/devez penser à ouvrir des procédures préventives qui sont là pour vous protéger à court-terme : sauvegarde, mandat ad hoc, conciliation. Ces procédures vous permettront de donner de l’air sur votre cash en permettant d’avoir un cadre légal pour renégocier les échéances de règlement notamment. On enfonce une porte ouverte toutefois : se déclarer sous le régime de ces mesures peut malheureusement avoir un effet dissuasif à court/moyen-terme pour toute levée de fonds. C’est un signal qui, souvent à tort, est perçu comme mauvais par la communauté d’investisseurs.

2. Passer au déchocage

C’est le moment d’évaluer les dégâts. Une analyse rigoureuse – avec un expert – de vos états de dépenses et de recettes est un premier pas. Mais vous devez être en mesure de faire un audit 360° en un temps record de votre société et de comprendre ce qui n’a pas fonctionné dans vos opérations : est-ce que votre produit ne convainc pas mais a besoin d’une amélioration incrémentale qui le rendrait « game-changer » ? est-ce que votre force commerciale est adaptée ? est-ce que votre supply est grippée ? avez-vous perdu un fournisseur / client clé ? avez-vous trop de factures non payées ?

Cela va permettre de prioriser les actions à prendre et l’attention des dirigeants sur un pan de leur activité, forcément, à court-terme, au détriment d’autres, avec des moyens plus que limités. Il y aura de la casse.

3. Opérer

Le temps des décisions tactiques (parfois) dures. Dans une petite pousse, le recentrage sur l’activité cœur est primordiale : avez-vous fait assez d’efforts ces derniers mois sur vos ventes ? Avez-vous été dispersé par le processus de levée ?

On travaille désormais sur la « cash topline ». Revue du processus de qualification et d’acquisition client, probabilisation des leads, travail « au corps » auprès des prospects les plus chauds, changement des modalités de paiement et d’encaissement, collecte des impayés : l’idée tant de faire rentrer de la Capacité d’Autofinancement aussi rapidement que possible. Pourquoi ? Parce que c’est la base de tout business.

Arrêtez de chercher de l’argent, cherchez des clients qui payent pour le produit que vous proposez.
Votre qualité de dirigeant, c’est de prendre des décisions dans le but supérieur de votre projet. In fine, c’est un effort d’allocation des ressources sur le plus essentiel.

4. Observer

Il faut un petit laps de temps, raisonnable, pour évaluer l’impact de vos décisions. Fixez un cap à votre plan d’action et mettez en place le bon niveau de reporting, quitte à descendre très bas dans le seuil de matérialité : c’est un effort de précision qui paie. En période de COVID, de nombreuses structures ont mis en place une revue quotidienne de leur position de cash et une prévision journalière à 3 mois de leur KFIs / KPIs.

5. Soigner

Après avoir réglé la tactique, il faut s’atteler à la stratégie. Pivoter si nécessaire. Revoir tous ses canaux de distribution. Changer profondément l’organisation. Ce n’est plus les symptômes que l’on gère mais la maladie que l’on traite.

C’est l’étape aussi de la revue de son financement : est-ce que mes banques ont bien su m’accompagner ? Est-ce qu’il existe des possibilités alternatives de financement qui n’obèrent pas sur ma croissance future ? Est-ce que je peux revoir les échéanciers de remboursement de mes instruments non-dilutifs ?

Revoir ses ambitions est aussi un chemin à suivre : pour rappel, lever des fonds permet de soutenir un certain niveau de (hyper)croissance. Il y a forcément une voie moins consommatrice de cash qui peut être suivie, temporairement ou définitivement.

6. Suivre

Sur une base plus saine, vous repartez au combat et retentez l’aventure. Et on va la faire cette levée Marvin !